Les canaux de Nivolas

Les canaux de Nivolas
Notre commune était autrefois parcourue par un important réseau de canaux. Ils étaient utilisés pour actionner les moulins, les battoirs à chanvre, les roues à eau des usines, mais aussi pour l’abreuvage des animaux et l’arrosage des prairies. Les eaux de l’Agny ont été la première source de prospérité de notre commune, bien avant que le nouveau tracé du chemin Royal (route départementale 1085, ex nationale 85) ne traverse le hameau de Nivolas appartenant alors à la commune de Sérézin.

Les canaux déjà mentionnés dans des documents de 1395

Des documents mentionnent l’existence de ces canaux au XIVe siècle : "…les De Vallin étaient possessionnés à Nivolas. En 1395 noble Henry de Vallin Chevalier, y avait  entre autres biens un moulin actionné par les eaux dérivées de l’Agny."
 Le barrage de retenue permettant de dévier une partie des eaux de l’Agny dans le canal se situait en amont du pont des Ravineaux. Le canal principal allait jusqu’aux actuelles usines Paillet avant de se diviser en deux.
Une branche du canal traversait sous la route nationale,  puis longeait la rue Emile Zola, traversait la route de Sérézin, alimentait un lavoir avant de traverser la rue du Vernay,  pour finir dans les pièces d’eau du parc du Château de Montcizet.
L’autre branche poursuivait en direction de la plaine de Nivolas en se divisant en ramifications qui traversaient sous la route nationale en plusieurs endroits et allaient jusqu’aux prairies où se trouve aujourd’hui  l’usine Bonna-Sabla.

Il est fait allusion aux canaux dans le descriptif des travaux de construction du Chemin Royal
(route Nationale) en 1739 : "Sept  aqueducs durent être construits : Hormis pour le franchissement des routes qui se faisait en souterrain, le canal était à ciel ouvert sur tout son  parcours."
Cependant à l’origine tout le canal était à ciel ouvert puisque sur un plan datant de 1866, il apparait que le franchissement des canaux se faisait au moyen d’une planche (route de Sérézin, rue du Bas Vermelle).
Dans les années 50 l’eau dérivée de l’Agny étant devenue impropre à l’irrigation et surtout à la consommation animale (déchets de cartons et colorants divers…). Les canaux en aval du village n’ont plus été entretenus et certains comblés. Le canal est devenu un égout à ciel ouvert et une source d’inondations, en particulier dans le quartier du Carre.
En 1973 les propriétaires riverains du canal qui exerçaient un droit de puisage ont officiellement abandonné leurs droits sur le canal, entrainant la dissolution du Syndicat du canal, gestionnaire du canal depuis 1816.
Aujourd’hui les canaux ont été comblés, mais il subsiste quelques traces de leur existence dans certains champs ou l’on peut apercevoir des vestiges  des vannes en pierre qui permettaient la distribution de l’eau dans les différentes parcelles.

Un canal aux usages partagés, sources de nombreux litiges 
Ces eaux servaient à actionner les roues des usines, moulins, battoirs, mais elles servaient aussi à irriguer les champs, abreuver le bétail, ainsi qu’aux usages domestiques. Cette eau tant convoitée fut à l’origine de nombreux conflits  entre les industriels et les habitants de Nivolas, mais aussi entre les communes riveraines de l’Agny.
En 1869 une surélévation du barrage de retenue de Nivolas déclenche les protestations du Syndicat du canal de Ruffieu.
Voici un extrait de courrier émanant du Préfet :  « Nous, Préfet du Département de l’Isère, Officier de l’ordre impérial de la légion d’honneur, etc…Vu la pétition en date du 3 février 1869 par laquelle les propriétaires de prairies comprises dans l’association syndicale du canal d’arrosage de Ruffieu, sur la rivière d’Agny, réclament contre une surélévation récemment apportée au barrage de prise d’eau du canal d’arrosage de Nivolas, situé à environ 800 m en amont, laquelle surélévation détourne dans le canal de Nivolas la presque totalité de ladite rivière au détriment du canal de Ruffieu.
Vu les observations présentées le 19 février 1868 par trois membres du Syndicat de Ruffieu…;
Vu le rapport dressé par Messieurs les ingénieurs des ponts et chaussées à la date du 30 mai dernier, après avoir vu les lieux et entendu les propriétaires intéressés soit au canal d’arrosage de Nivolas, soit au canal d’arrosage de Ruffieu.
Considérant que d’après les titres qui ont été présentés à ces fonctionnaires, les barrages, vannes et canaux établis dans la rivière d’Agny soit pour détourner les eaux dans les prairies de Nivolas, soit pour les détourner dans les prairies de Ruffieu, existent depuis près de deux siècles et paraissent  avoir été construits presque en même temps, en vertu d’autorisations ou d’accords intervenus à cette époque entre les seigneurs de ces localités et les prédécesseurs des propriétaires actuels desdites prairies…
Considérant que les eaux qui sont détournées de la rivière d’Agny par le barrage de prise d’eau du canal de Nivolas ne peuvent pas à cause de la disposition du sol être rendues dans ladite rivière et qu’après avoir arrosé les prairies de Nivolas elles vont se verser dans la rivière de la Bourbre. Considérant que les susdits barrages formés de pierre de taille, maçonnés, disposés suivant les règles de l’art sont tels qu’ils ont été primitivement établis, leur crête placée d’un niveau convenable pour que les eaux qu’ils dérivent puissent satisfaire tous les intérêts et ne nuire en rien aux propriétaires riverains ;
Considérant que ce barrage a depuis quelques mois été exhaussé sans autorisation, au moyen de plateaux de 0 m 48 de hauteur posés verticalement et retenus par des consoles en fer, que ces exhaussements occasionnent un préjudice considérable aux plaignants propriétaires des prairies de Ruffieu puisqu’il peut les privés en temps de sécheresse de la totalité des eaux de la rivière d’Agny.
Adoptant les propositions de Messieurs les ingénieurs ;
Arrêtons :
Art 1er : Il est enjoint au Directeur du Syndicat du canal d’arrosage de Nivolas d’avoir à faire enlever dans le délai de huit jours à dater de la notification du présent arrêté les plateaux en bois et les consoles en fer qui ont été indûment placés en travers du lit de la rivière d’Agny en contre haut du niveau de la crête en pierre de taille du barrage de prise d’eau dudit canal… »

En 1937 c’est un projet de travaux de captage de sources à Eclose et Badinière  pour alimenter quatre communes en eau potable qui déclenche les hostilités. Le Syndicat de Nivolas envoie une protestation au préfet de l’Isère : « …Le Syndicat du canal d’arrosage de Nivolas conteste formellement l’utilité des travaux alors que chaque commune possède de l’eau et des sources pouvant l’alimenter dans les endroits ci-dessous :
Tramolé au ‘’Cret’’ Coteau derrière l’église ;  Culin dans le côteau vers le hameau de ’’Bagneux’’ ; Les Eparres aux’’ bottes’’ et au dessus de ce lieu ; Badinières au ’’Marc’’. Les agriculteurs de Nivolas qui font partie du Syndicat du canal d’arrosage seraient gravement lésés par le détournement des eaux de source alimentant la rivière ‘’l’Agny’’, car en période de sécheresse il y manque l’eau et seules les sources donnent de l’eau. »

En 1876 un propriétaire  fait construire un mur le long du canal qui traverse un de ses terrains. Cela déclenche la colère des riverains habitués à venir puiser dans cette portion du canal. Le syndicat du canal défend leurs intérêts. Voici un extrait d’une note en réplique émise par l’avocat représentant le Syndicat du canal de Nivolas :
« …Il ne s’agit pas d’eau de source prise dans un fonds de M. Moret, mais d’eaux publiques de l’Agny dérivées à frais communs. Sans remonter au passé qui  prouve cependant  cette utilisation séculaire, sans parler de l’arrêté de floréal an XII qui proclame officiellement la copropriété, il y a au procès un document qui ne laisse aucun doute, c’est l’acte public du 22 décembre 1816… Par devant  H. Brissaud, notaire, le 22 décembre 1816, ont comparu... Lesquels ont dit que l’écluse qui est sur la rivière d’Agny, pour la prise d’eau à conduire par un ancien canal dans le village de Nivolas et aux prairies du même lieu de la partie septentrionale, a été rompue et détruite par l’impétuosité de la rivière…
Tous les comparants ayant intérêt commun  relatif à l’usage des eaux  pour leurs maisons et l’arrosage de leurs prairies, désirant pourvoir à leur rétablissement d’une manière convenable pour la commodité et utilité publique …  à cet effet, il a été convenu ce qui suit :…un rôle sera fait dans lequel seront compris tous les habitants de Nivolas qui usent des eaux qui suivent le canal qui les conduit au hameau de Nivolas et aux prairies pour servir à leurs arrosages, ainsi que tous autres particuliers qui voudraient en user.
La Dame Moret et le Sieur Bron laisseront lorsque leurs artifices seront en activité, toujours couler un demi-pouce d’eau sur la vanne placée sur le canal, pour qu’il y ait toujours un peu d’eau pour les besoins des habitants de Nivolas qui contribueront à la dépense de la construction de ladite écluse…
Il est incroyable que M. Moret ose aujourd’hui faire de cet acte une concession gratuite de son auteur.
Ce n’est pas une concession !... car M. Moret n’ayant pas l’eau, ne pouvait la concéder. Cette eau il fallait la conquérir, l’acheminer par des travaux coûteux. Elle était à ceux qui allaient en commun faire ces dépenses…A ce moment Mme Moret n’avait ni parc, ni eaux vives à défendre, elle était tout bourgeoisement sur le même pied que les communistes, à la bourse desquels elle faisait appel….
Mais M. Moret veut distinguer le canal de l’eau. Le canal lui appartiendrait à lui seul, à ce point qu’il veut l’enclore chez lui et le rendre inaccessible… »

Ces débats passionnés peuvent faire sourire aujourd’hui ;  la plupart des habitants de Nivolas dont la  propriété est traversée par le canal en ignorent l’existence, celui-ci ayant été comblé sur la plus grande partie de son parcours.
 Quand à l’Agny, ce n‘est plus de la voir asséchée qui nous préoccupe, mais au contraire de la voir déborder, comme  en témoignent les importants travaux réalisés récemment dans la plaine de Nivolas pour contenir ses crues.

O. FLECHE
F. PIRAUDON
Au fil du passé

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