Construction de la route nationale 85 dans Nivolas

Construction de la route nationale 85 dans Nivolas
Il est difficile d’imaginer Nivolas sans route nationale. Pourtant il fut un temps où la route n’existait pas, ou plutôt elle ne passait pas dans la vallée. Nous sommes au début du 18e siècle. Nivolas est alors un petit hameau composé de quelques maisons éparses et de quelques granges isolées au milieu d’une grande prairie. Quelques moulins, battoirs ou scieries bordent l’Agny d’où partent des canaux utilisés pour irriguer les prés.

Le chemin royal de Lyon à Grenoble le plus droit passe alors par Ruffieu, suit le vieux chemin de Meyrié, arrivé sur le plateau il tend vers Vermelle par la crête des vignes des Chômes et chemin du loup, il gagne ensuite Eclose par l’étang de la gouille ou serve-route, les Eparres, le moulin de la Roche.
Ce chemin est utilisé pour les chevaux de poste et le transport des munitions aux armées.
C’est pour notre région, le chemin de la côte, de Beaurepaire, de la Provence et du Languedoc, voir même d’Espagne. Il est  très fréquenté. Aussi de nombreux convois sillonnent le Dauphiné pendant les guerres des 17e et 18e siècles.
Mais cette route présente de fortes rampes qui rendent les charrois longs et pénibles et l’entretien du chemin difficile.
Le mauvais état des routes augmente tous les jours, et les plaintes du public affluent à Versailles.
En 1737, le Roi accorde à son pays de Dauphiné 250.000 livres sur les ponts et chaussées répétées pour quatre ans. Un plan de rectification est établit, et le devis des ouvrages pour la construction d’une nouvelle partie du chemin d’Eclose à Bourgoin est présenté le 10 février 1739.
L’ancien chemin de Bourgoin à Eclose mesure 6850 toises de long, le nouveau trajet aura 1140 toises de moins, avec des rampes plus faibles.
Les travaux débutent le premier octobre 1739, devançant ainsi de trois semaines l’époque fixée par le devis.
L’ordre est donné aux consuls des Eparres de « commander 32 hommes, 16 couples de bœufs, vaches, chevaux ou mulets avec leurs bouviers ou charretiers, attelés chacun à une tomberelle, qui se trouveront le jeudi huitième jour d’octobre, approvisionnés de vivres tant pour hommes que pour bestiaux pour trois jours consécutifs, au lieu de Nivolas, ou ils seront logés par les habitants dudit lieu qui fourniront les écuries et la seule litière aux bestiaux, et paille fraîche dans les granges pour le gîte des hommes, d’où ils seront conduits aux ateliers qui leur sont destinés sur le chemin de Bourgoin à Esclose. »

A cette époque la main d’œuvre est constituée des hommes appartenant aux communautés traversées par la route, excepté les ecclésiastiques, les gentilshommes, et les domestiques servant leur personne … Au total onze communautés ou mandements participent à la construction du nouveau tronçon.
Les conditions sont très strictes pour les ouvriers et ceux qui les hébergent.
Il est demandé à l’intendant « d’établir des garnisons chez ceux qui refuseront d’obéir, à raison de 4 livres à chaque cavalier à cheval, et de 30 sols à chaque fusilier par jour, et jusqu’au délogement. Il fera traduire dans les prisons les plus prochaines ceux qui, par mauvaise conduite, exciteront des troubles sur les travaux; et pour ceux qui ne rempliront pas le temps de travail fixé dés l’aube jusqu’à la fin du jour, il les fera commander par la suite pour remplacer les défaillants ».

Le mandement de Châteauvilain comprenant 6 paroisses avec des corvées de 115 hommes et 89 voitures est chargé de la construction de 2070 toises de nouvelle route, entre le pont de Curtet et la croix rouge, savoir :
33 toises avec remblais pour arriver à l’Agny, 145 toises avec remblais dans la traverse de Curtet, 245 toises bordées de fossés pour aboutir à la première maison de Nivolas, 167 toises au travers du hameau de Nivolas avec chaussée de 30 pieds de large.
De l’extrémité du hameau de Nivolas (maison Châtelard) un alignement sur 920 toises de long de 48 pieds de largeur bordé de fossés aboutissant au village de Ruffieux en redressant l’aire de cette partie du chemin pour mettre le tout sur une pente égale. Puis sur 74 toises de longueur à travers le village de Ruffieux on construit une chaussée de 30 pieds de large suivant l’ancienne rue pour arriver à la maison de Pierre Nugoz.
De cette maison, sur 255 toises de long, sont donnés deux alignements consécutifs : le 1er de 131 toises traversant les terres et laissant l’ancien chemin au matin, le 2e suivant en partie l’ancien chemin jusqu’au contour (ancienne maison blanche). 

L’ouverture de la nouvelle route entraîne la démolition et reconstruction de divers bâtiments, savoir, à Curtet une grange de 24 pieds de long, 18 de large et 10 de haut bâtie en terre et couverte de paille ; dans la traversée de Nivolas de deux granges murs de terre couvertes à paille, ainsi que 5 toises de mur d’une autre grange.
Le long des bâtiments on doit faire un revers en pavés d’une toise de largeur.

Dans cette tâche pas mal d’ouvrages d’art dont 2 importants et 7 autres de minime importance. Ces derniers consistent en ponceaux ou aqueducs, savoir :
« A l’extrémité du hameau de Nivolas (long 167 toises), un aqueduc couvert de lauzes… pour porter l’eau aux prairies de droite. »
« À 150 toises de là un nouvel aqueduc de 3 pieds d’ouverture…, puis 185 plus loin un pont sur l’Aigne (Agny). »
« a 139 toises en aval de l’Aigne, traversée pour la 3e fois, un aqueduc de 3 pieds d’ouverture avec murs d’appui de 4 pieds, occupant toute la largeur du chemin, pour porter l’eau aux prairies. »
« À 298 toises plus bas, un aqueduc identique. »
« À 171 toises de là, arrivant au village de Ruffieux, un aqueduc en tout semblable aux précédents. »
Les ouvrages d’art importants de cette tâche consistent en 2 ponts « sur la rivière de l’Aigne (Agny) : le 1er en amont de Curtet avec une arche plein cintre de 20 pieds d’ouverture, 3 pieds d’épaisseur et 34 de longueur d’une tête à l’autre, portée sur des culées de 10 pieds d’épaisseur, 12 pieds de hauteur y compris 4 de fondations ; le 2e pont en aval entre Nivolas et Ruffieux différent du précédent par sa longueur, 41 pieds, ses murs prolongeant les culées, et ses parapets.
Sa construction  présente quelques difficultés inhérentes au torrent et à la nature du sol.
 Comme la rivière en cet endroit forme une sinuosité qu’elle semble vouloir abandonner pour dresser son cours, afin de prévenir cet évènement on lui ouvre un nouveau lit sur 30 toises de long, 20 pieds de large et 6 de profondeur pour y asseoir le pont, non sans difficulté. Ce pont fut un peu modifié vers 1875.

Les matériaux à employer sont  obligatoirement  « la pierre de grais des carrières des Goy, des Berlioz, de Sérézin ou des Espares, la chaux de St-Alban, le sable de rivière à gros grains non terreux. »
Un acompte payé à l’entrepreneur le quatre décembre 1743, porte que « la moitié du travail est fait ».

Les travaux durent une dizaine d’années.
Le vieux chemin royal est encore fréquenté en 1748, la chaussée de la nouvelle route n’étant pas encore assez ferme pour la circulation, puis les diligences et le carrosse royal empruntent le nouveau grand chemin avec bureaux à Bourgoin et à Eclose (en réalité aux Trouillères).
Le tronçon des chômes du vieux chemin royale est mis en vente fin 1871 seulement.
« Le toisé général » du 1er mars 1754 fixe les modalités d’entretien et réparations de la nouvelle route, la corvée continue d’être employé. Des bornes sont placées de 1200 toises en 1200 toises pour indiquer la distance et limiter les tâches d’entretien numérotées à partir de Grenoble.
 L’entretien de la chaussée, des ponts et des ponceaux ou aqueducs sont à la charge du Roy dauphin, la plantation obligatoire et l’entretien des arbres en bordure de la route ainsi que le curage des fossés sont à la charge des propriétaires voisins « chacun à droit soi ».
Les corvées ayant été supprimées par la révolution et les routes rendues impraticables par les transports de guerre, le gouvernement au 19e siècle en confia la restauration et entretien au service des ponts et chaussées et a ses cantonniers. Les rangées d’arbres au bord de la route disparurent vite, après 1820, mais de 1850 à 1875 la route était toujours ombragée, car des arbres (peupliers, noyers surtout) avaient été plantés dans les champs voisins et à la distance réglementaire par les propriétaires. Cependant que les accotements bien aménagés et entretenus devenaient accueillants pour les piétons.
 A leur tour ces arbres ont disparu, pendant que les accotements livrés aux poteaux et  pylônes et envahis par les herbes et les ronces sont devenus inextricables avec leurs rigoles traîtresses.

Le grand chemin avec son important trafic donna de l’essor aux moulins, battoirs, gauchoirs, scieries… qui existaient depuis longtemps sur l’Agny.
Grâce à ce nouveau chemin « le hameau de Nivolas » se transforma rapidement en « un village » assez important.
  

1 pouce vaut 2,7 centimètres
1 toise vaut 1,95 mètre

Sources : Glanes historiques de Jean Armanet, Atlas de Trudaine.

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